Manga: Le Restaurant du Bonheur – Nakanishi Yasuhiro

7 nov

Couverture Volume 1 - Le Restaurant du bonheur

Lorsque j'ai découvert l'existence de cette série de mangas consacrée à la vie d'un restaurant au Japon, j'ai sauté sur l'occasion et me suis enfilé les 5 volumes du Restaurant du Bonheur (幸せレストラン) en l'espace d'un petit mois.

Au Japon, la gastronomie tient une place de choix dans la culture populaire. Pas étonnant, donc, de voir fleurir films et livres autour de ce thème. L'histoire de Kôsuke, le jeune chef fougueux du Doll House, sans cesse recadré par sa belle-mère Yûko, résonne d'ailleurs comme la métaphore d'une société qui construit son identité autour des plats qu'elle cuisine.

Ainsi, il est amusant d'observer la manière dont est traité le rapport des japonais à la sacro-sainte cuisine française. Une grande partie de la trame du manga tourne autour de l'équilibre à trouver entres les influences culinaires. Au début de l'histoire, le jeune héros ne jure que par la cuisine française, héritage du cahier de cuisine de son défunt père. Au fur et à mesure que les hôtes du restaurant se succèdent, Kôsuke doit se remettre en question et étendre son savoir-faire à la cuisine japonaise. Au final, c'est en mariant le meilleur des deux pays qu'il trouvera son style et ravira ses convives.

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Une trame prémonitoire et symbolique puisque, depuis la parution du manga en 2007, le Japon a coiffé au poteau la France en tant que pays le plus étoilé au monde. C'est vrai aussi bien en terme de nombre d'étoiles absolu que de nombre de 3 étoiles, la récompense suprême du guide Michelin. Et c'est bien la cuisine japonaise qui tient le haut du pavé dans ces restaurants primés.

Comme l'espérait le foodie que je suis, l'histoire est réellement focalisée sur la cuisine et ne se disperse pas trop dans les histoires annexes. A chaque chapitre, un produit est mis en avant. Le poisson, le tofu, les râmen sont autant de prétextes à l'élaboration d'une histoire qui se conclura le plus souvent par la création d'un plat exquis. Dans la même logique, l'auteur intervient parfois entre les chapitres pour approfondir les sujets et nous en dire plus, tantôt sur le boeuf wagyu, tantôt sur le régime végétarien bouddhiste (shôjin ryôri).

L'auteur met l'accent sur la qualité et l'origine des ingrédients. On apprécie notamment la présentation et l'illustration de nombreux poissons et fruits de mer. De même, la mise en avant de mets régionaux est une raison supplémentaire de louer les efforts du mangaka pour aller dans le détail.

Cette véritable attention à la question gastronomique fait tout l’attrait de ce manga qui, sous ses airs de bluette limite tordue, cache un document intéressant sur la cuisine niponne.

Présentation des râmen des différentes régions du Japon

Si le dessin est relativement simple, la découverte des plats exécutés par les différents chefs n'en reste pas moins un plaisir. Toutes les préparations sont présentées en gros plans et les traits clairs donnent envie de visiter le Doll House pour goûter quelques créations de la carte.

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On se serait, par contre, passé des histoires salaces de Kôsuke et des plans insistants sur les décolletés des intervenantes qui tombent toutes, sans exception, sous le charme de notre héros toqué. Tout cela reste néanmoins sage et dans les limites de la pudeur graphique si chère à la culture grand publique. Bref, mieux vaut mettre ça sur le compte de l'exotisme pittoresque et s'en amuser.

Du Restaurant du Bonheur, nous retiendrons plutôt l'approche positive et ouverte de la gastronomie qui imprègne chaque page. La cuisine y apparaît comme une expérience de partage mais aussi de découverte de soi-même. Comme cet ouvrier retraité dont il faut un peu trop saler les plats pour lui faire retrouver le goût de sa jeunesse. Ou ces enfants qui veulent, pour une fois, manger du bœuf de qualité supérieure et que l'on pourra combler en utilisant les bas morceaux d'un wagyu pour faire de savoureuses boulettes. Dans ces histoires, le sens de la cuisine n'est pas perdu. L'auteur se plaît à nous le rappeler à la fin de chacun des chapîtres:

Yûko et Kôsuke, faites en sorte que nos clients quittent ce restaurant le cœur empli de joie et qu'à peine sortis, ils voient le monde différemment.

11 Responses to “Manga: Le Restaurant du Bonheur – Nakanishi Yasuhiro”

  1. Manuel novembre 8, 2013 at 01:48 #

    J'adore !
    Il y a une énorme culture des mangas autour du monde du goût.
    Le plus drôle est qu'ils reprennent généralement la recette des shonen, ces mangas pour garçons très "battle, culottes et décolletés " :-)

    Super article tranchant avec l'habitude mais très intéressant ! Ce sont mine de rien de bonnes lecture pleine d'info et d'inspiration

    • Lukas Menal novembre 8, 2013 at 08:30 #

      Aurais-tu préféré quelque chose de plus long ou plus travaillé. J'essaie de rester concis mais je ne suis pas toujours certain de l'équilibre à trouver.

      • Manuel novembre 8, 2013 at 11:34 #

        Pas autrement ! Il y a bien assez d'infos pour attiser l'intérêt et le tout est pétri de ton style (que j'apprécie!)

        J'ai assez la mentalité "chacun son style" : moi j'm'étale ; c'est déjà le cas sur une page A4 bien matériel, mais sur un support virtuel, c'est terrible :-D
        Toi c'est plus concis, précis, sans être dénué de vie et de présence, j'aime ;-) Après les intéressés vont voir plus loin, les autres non

        • Lukas Menal novembre 8, 2013 at 12:23 #

          Merci pour ton retour. Il est bon de savoir comment sont reçus les articles. Au final, j'écris pour les lecteurs avant tout.

          • Manuel novembre 8, 2013 at 15:36 #

            C'est clairement toujours agréable d'avoir un retour.

            Je pense qu'on écrit de toute façons avant tout pour soi-même, le plaisir d'écrire et de partager : si c'était un travail plus que du loisir, je pense que ce ne serait pas idéal et que justement on lâcherait beaucoup plus vite.

            Mais avoir l'approbation des lecteurs, un mot, un "j'aime", un partage, et ensuite des conseils, critiques, tant sur la forme que sur le fond sont toujours extrêmement positif

  2. Yann Décombaz novembre 8, 2013 at 07:57 #

    "On se serait, par contre, passé des histoires salaces de Kôsuke et des plans insistants sur les décolletés des intervenantes[...]" Non.

  3. funambuline novembre 8, 2013 at 13:26 #

    Mais HAN #need

    (Si ça te plaît, il y a deux trois ahem autres idées de littérature culinaire ici : http://funambuline.blogspot.ch/p/litterature-culinaire.html )

    • Lukas Menal novembre 8, 2013 at 13:46 #

      Sacré répertoire! J'y avais déjà jeté un coup d’œil. J'ai Les Ignorants sur le haut de la pile, mais il faut que je m'y mette. ><

      Pour ce manga, ils ont toute la collection à la bibliothèque de Lausanne. D'ailleurs, il se peut que les 3 derniers tomes arrivent en retour ce week-end. Pom, pom, pom...

  4. Laurie novembre 17, 2013 at 09:31 #

    Ce samedi matin, ce n'est pas sans peine que j'ai finalement trouvé les 5 livres de la collection chez mix-image! Nous sommes dimanche matin et voilà que j'ai déjà dévoré les deux premiers tomes. Merci pour cette découverte, je retourne à ma lecture.

    • Lukas Menal novembre 17, 2013 at 18:18 #

      Excellent! J'espère que tu vas apprécier autant que moi.

  5. kw.tran mai 27, 2014 at 05:10 #

    Dans les mangas, il y a aussi :

    Séries finies
    - Aya, conseillère culinaire
    - Les fils de la terre (agriculture)
    - Yakitate Ja-Pan(boulangerie)
    - Gourmet solitaire (dans la liste de Funambuline qui est excellent)

    En cours
    - Les gouttes de dieu (vin)
    - Nobunaga no chef (chef du 21e projeté dans le passé)
    Hell's kitchen
    toriko(pas réaliste mais ça reste de la bouffe :p)

    Serie arrêtée
    - Iron Wok Jan (cuisine chinoise)

    Je les ai tous, si tu veux en emprunter, hésites pas :p

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