Ciné-recette: Beignets de Tomates Vertes

Dans le billet d'aujourd'hui, vous trouverez deux nouveautés.

Tout d'abord, cet article sera le premier d'une série consacrée aux recettes du cinéma. Le 7ème art fait appel aux sens et se révèle un excellent ambassadeur pour les spécialités culinaires les plus diverses. Regarder nos héros manger, c'est construire un imaginaire autour de ces aliments qui, tout à coup, deviennent plus qu'un simple repas. Ils nous rappellent des ambiances, des endroits et des personnages. Ceux-ci deviennent comme partie intégrante de la recette jusqu'à changer notre manière d'apprécier ces dernières.

La pizza est un bon exemple de ce phénomène. On ne compte plus les films dans lesquels elle a été mise en scène. Son évocation ne rappelle plus seulement l'Italie. Pour nombre d'entre nous, ce sont des images de villes américaines qui viennent également à l'esprit. On se prend à rêver d'engouffrer un double decker comme John Travolta au début de Saturday Night Fever.

Là, on parle de classe. Et Lenny's Pizza est encore ouvert aujourd'hui. La pizza à l'américaine nous rappelle des héros charismatique comme Sylvester Stallone dans Cobra:

Là aussi on parle de... ouais bon, c'est peut-être pas exactement de la classe mais c'est un truc de dingo dont on va se souvenir longtemps. Et les ciseaux existent toujours.

Ces images marquantes qui transforment la manière dont nous voyons une simple pizza, cette façon, disons "culturelle", d'aborder la cuisine résonne complètement avec mon approche de la gastronomie. Quelque chose qui se trouve à l'intersection de la vie sociale et de la nécessité vitale. Lorsque je savoure un bon repas, je n'apprécie pas seulement le goût et la texture de ce que je mange. J'apprécie aussi le fait d'ingérer un morceau de culture, comme une pièce d'histoire régionale matérialisée dans la préparation d'un plat.

C'est cette idée qui me donne envie d'inaugurer aujourd'hui un nouveau type d'article consacré aux recettes des films qui nous donnent faim. Parce que je veux manger la même chose que Stallone et couper ma pizza avec des ciseaux. Je veux aussi empiler deux tranches de pizz' l'une sur l'autre et manger en marchant. Yeah!

Seconde nouveauté, ces articles seront illustrés par le très talentueux Kevin Crelerot, qui est assez aimable pour me prêter son génial coup de crayon. Enfin, son crayon ou quelqu'autre artifice technologique que ces gens utilisent de nos jours. J'espère que vous apprécierez son style autant que moi. L'idée est de rendre la découverte du site plus agréable  par l'ajout de sa touche artistique.

Voilà pour les nouveautés, passons à la pratique. Pour cette première recette, nous attaquons avec le film Beignets de tomates vertes. Une comédie dramatique haute en couleur, adaptée du roman éponyme. Le film tourne autour de l'amitié entre deux femmes coincées dans une bourgade du fin fond de l'Alabama, dans les années 20. Elles travaillent ensemble dans un café dont la spécialité est le fameux beignet de tomate verte. Je ne peux qu'insister pour que vous visionniez ce film au plus vite si ce n'est pas déjà fait.

La première fois que j'ai entendu le nom de cette préparation, "les beignets de tomates vertes", des images de recette secrète de la tante américaine et de goût de bayou me sont venues à l'esprit. Le genre de recette auréolée de mystère et complètement inconnue sous nos latitudes. On s'imagine des saveurs incroyables, d'un autre continent.

C'est d'autant plus vrai que l'utilisation de tomates pas mûres est plutôt surprenante. On connaît les Green Zebra ou encore les Lime Green, variétés hybrides naturellement vertes qui s'utilisent comme des tomates standards. Mais ici, nous allons bien utiliser des fruits qui ne se sont pas assez développés pour devenir rouges et goûteux. Des tomates immatures, comme ma sœur.

Il faut savoir que les tomates vertes non mûres sont dégueulasses et toxiques lorsque mangées crues. Ici, à Guérilla Gourmande, on aime pas les trucs dégueulasses et toxiques. On préfère nettement les préparations cuites comme les confitures et les chutneys. Mais on aime encore plus les recettes du sud des Etats-Unis qui fleurent bon la tradition et les croix brûlées. Et oui, le beignet de tomates vertes est un classique de la cuisine du sud des States. Une spécialité qui évoque les climats chauds des ces régions plus rurales des USA. On se voit bien manger quelques beignets accompagnés de thé glacé, sur la terrasse, en observant son champs de maïs.

Mais avant de jouer les rednecks, encore faut-il avoir les ingrédients! Parce qu'ici, en Suisse, c'est pas l'Alabama. Le tomates vertes, c'est pas vraiment un truc que les gens veulent acheter. Ils pensent que c'est dégueulasse et toxique. Pour autant, je ne me suis pas démonté et suis parti en quête des mes tomates couleur gazon. Pour mettre toutes les chances de mon côté, je suis allé au marché de Lausanne. J'en avais déjà trouvé chez mon maraîcher préféré, Cuendet, mais pas de chance cette fois-ci. Alors j'ai arpenté les rues de fond en comble sans succès. Au mieux, je suis tombé sur des fruits de fin de saison auxquels il restait quelques traces de vert.

C'est quelque peu abattu que je suis allé faire quelques achats à la Migros (je vous mets pas le lien, si?). Et là:

Cette tomate est une erreur, une anomalie du système. J'ai demandé à un employé s'il en avait d'autres en stock, mais non. C'est la seule fichue tomate verte de Lausanne. Et elle est parfaitement lisse et bien ferme, probablement dégueulasse et toxique, idéale pour ma recette. C'est l’Élue.

Contraint et forcé, j'ai décidé de faire aussi des beignets avec des tomates rouges, bien fermes. Le goût sera moins acidulé et la texture plus fondante mais ça fera l'affaire.

Il ne fallait pas se tromper dans la préparation. Je n'avais qu'une seule tomate verte et je ne voulait certainement pas la gâcher. Mieux valait bien réviser la recette. On ne va pas réinventer la roue, il y a a de très bonnes recettes sur le web. Celle-ci m'a particulièrement plu.

Une recette très simple! Ho yeah.

J'ai fait un mélange moitié panure, moitié polenta bramata. L'assurance d'un maximum de croustillant et d'un petit goût de maïs. Pour parfaire le goût américain, j'ai assaisonné le tout d'un mélange d'épices cajun. Sel et poivre.

Mon astuce pour bien réussir l'enrobage de vos tranches de tomate? Laissez leur bien le temps de s' imprégner de chaque bain: farine, œuf et panure. Après ça, plus qu'à faire frire les tranches tranquillement.

A l'arrivée, des beignets ultra croustillants avec un cœur fondant. L'acidité de la tomates verte coupe bien le côté riche de la friture. Avec des tomates rouge, c'est nettement plus fondant et doux. Très bon aussi mais clairement pas la même recette. Préférez vraiment les tomates immatures qui vous donneront le vrai goût de l'Amérique. Traditionnellement, ça se déguste avec une petite mayonnaise pimentée et agrémentée de pickles. Et là, je me crois quelque part dans une ville de l'Alabama à laisser le soleil se coucher en grignotant mes green fried tomatoes.

J'espère que ce billet, plus long que d'habitude, vous a plu. N'hésitez pas à commenter et à me faire savoir si vous en voulez plus.