Gastronomie cantonaise au Tai Po à Étagnières
Partager la publication "Gastronomie cantonaise au Tai Po à Étagnières"
- Google+
Malgré les années et l’expérience, ça ne change pas. Avant un restaurant chinois, l’excitation monte inévitablement. Je commence à étudier la carte des jours à l’avance. J’imagine les combinaisons les plus intéressantes et repère les plats originaux. Je conjecture sur le style de l’adresse. Bref, je me réjouis comme un gamin avant une visite à EuroDisney.
Avec le Tai Po (le lien Internet, tu peux te le mettre où je pense), ça n’a pas été différent. Il faut dire que l’adresse a une bonne réputation et se targue de proposer de la « haute gatronomie chinoise ». Si ça vous rappelle le Dun Huang, ce n’est pas un hasard: La famille qui tient le Tai Po était aux commande de ce restaurant pionnier à son ouverture. Autant dire que le chef est expérimenté.
L’adresse reste néanmoins familiale. Logée dans un immeuble résidentiel au bord d’une route cantonale, elle ne paie pas de mine. Comme dans beaucoup de restaurants historiques, la décoration est un peu chargée. Mais qui s’en plaindra? Pas moi.
Le service est assuré avec une grande amabilité par Madame ainsi que par les enfants du couple. J’aime beaucoup cette approche informelle qui permet de se sentir presque comme un invité et d’être dans une démarche de rencontre avec le restaurateur. Attendez-vous au grand cérémonial des réchauds. Il est ici, comme c’est souvent le cas dans les restaurants de ce genre, hors de question de servir le moindre plat sans un support enflammé.
Man Shun Liu est un spécialiste du dim sums. Ses bouchées sont de qualité supérieure. C’est évident avec les har gao (raviolis aux crevette). Ces paquets translucides ont tendance à tous se ressembler de l’extérieur alors que les différences de saveurs et de textures sont parfois énormes. Au Tai Po, ils sont fait de gros morceaux de crevette et légèrement assaisonnés. Le crustacé croque sous la dent et sa saveur limpide procure un plaisir très convainquant.
Le vert herbeux des pièces aux légumes est beau à voir. La farce, un mélange de légumes au soja, semble-il, se démarque par son goût profond. Au vu de leur qualité, ces mets à la vapeur restent très abordables (entre 8 et 10 CHF les 4 pièces) et apparaissent comme un incontournable de la carte.
Autre détour à faire, le classique, et malheureusement un peu oublié, toast à la crevette et au sésame. Appelé « Haché de crevettes grillées » sur la carte (10 CHF), ils séduisent des tablées entières qui en redemandent. Une belle occasion de découvrir ou redécouvrir le hatosi, de son vrai nom. Un plat originaire de Canton qui a fait fureur dès les premières heures des restaurants chinois helvétiques. Il est ici parfaitement frit et savoureux.
Les plats principaux bénéficient aussi de cette réalisation soignée, mais leur goût convainc légèrement moins.
L’Agneau piquant du chef (28 CHF) est succulent. J’apprécie particulièrement son goût de soja, de sucre et de poivre du Sichuan. Seul regret: le plat est peu piquant et aurait vraiment bénéficié de l’ajout de piment frais. Les morceaux de poivron sont certes bons mais ne remplacent pas leur brûlant cousin. Que voulez-vous? C’est le propre de ces adresses à l’ancienne que de ménager les palais sensibles. L’agneau est de qualité, tendre et bien équilibré en gras. Un plat très savoureux qui se hisse parmi les meilleurs de la carte.
À l’inverse, les calamars sauté gingembre et poireau (27.50 CHF) font un peu grise mine. Les morceaux plutôt tendres sont bien recouverts de légumes mais le jus est timide. Le tout manque de relief et aurait mérité une découpe plus fine. Un plat néanmoins léger et plaisant.
Même topo pour la laitue sautée au gingembre (12 CHF). On aurait apprécié plus de goût, pourquoi pas d’ail et de soja. La qualité des feuilles est néanmoins excellente. Un accompagnement finalement frais et adéquat pour équilibrer un plat fort en goût.
Les amateurs de saveurs plus prononcées se jetteront sur les champignons noirs sautés (14 CHF). Si ce n’est pas le plus puissant des champignons, le chef sait parfaitement concentrer ses saveurs. On retrouve avec ces plats végétariens un aspect très important de la cuisine cantonaise, par oppositions à celle du Sichuan: Peu dénaturés par les assaisonnements, ces mets ont un goût pur et net. On retrouve bien l’ingrédient principal et sa fraîcheur est mise en avant.
Evidemment, les champignons parfumés du Bœuf aux champignons et bambous (27 CHF) sont encore plus spectaculaires en bouche. Je ne suis pas très convaincu par ce plat que je trouve un peu déséquilibré par la puissance du shiitake. Malgré tout, on y retrouve la belle qualité de produit propre au Tai Po ainsi que le maîtrise culinaire générale de l’endroit.
Originalité de la carte, les Boulettes de crevettes du chef (31 CHF) s’en tirent avec les honneurs. Une pâte de crevette légèrement élastique et enrobée de petites lanières de ce qui ressemble à de la feuille de brick (selon les sources, on peut utiliser des feuilles à rouleau de printemps ou même des nouilles). Une plat passé en friture qui offre un jeu de texture intéressant et fait sensation à la table. Le tout est servi avec une des ces sauces sucrées à rouleau de printemps en un mariage un poil fade mais agréable. Le choix de ceux qui veulent sortir des sentiers battus.
Même si je suis moins enthousiaste sur certains plats, je reste enchanté devant cette belle cuisine maison, en grande partie préparée minute. C’est beau, chaud, bon et frais. Une adresse à blottir dans le carnet d’adresse de tout amateur du genre.
Je recommande particulièrement les dim-sums et vous conseille même d’en faire l’intégralité de votre menu. Accompagnés de légumes, des boulettes de crevettes et de quelques cuisses de grenouilles, le voyage en vaudra la peine.
Tai Po
Route d’Echallens 10
1037 Etagnières
Tél: 021 732 26 46
Partager la publication "Gastronomie cantonaise au Tai Po à Étagnières"
- Google+
Merci, je passe toujours devant et c’est vrai que je n’ai jamais osé m’y arrêter 😉
Itou. Un repas dim sum, quelle excellente idée ! J’en faisais régulièrement avec mon père à Paris quand j’étais ado, ça me manque
J’y ai travaillé et je peux affirmer que le chef passe de nombreuses heures en cuisine y compris les jours de fermeture afin de préparer du « fait maison ». La majorité des plats sont préparés à la minute avec des produits frais. Le reste est constitué de mets qui sont élaborés par le chef chaque début de semaine et qui peuvent être surgelés. Niveau qualité de travail c’est un investissement comme on en voit peu en restauration surtout quand il n’y a qu’un seul chef :).
Niveau goûts et saveurs, certaines adaptations ont été faites afin que cela convienne à des palais « régionaux ». Un crève coeur pour cet acharné de travail mais pour avoir eu la chance de goûter aux saveurs originales, il faut être habituée pour apprécier. Les puristes et les habitués peuvent l’avertir avant leur commande qu’ils ne craignent pas les défis, le chef osera avec le temps s’adapter à votre propre palais ;).
Pour ce qui est de mon avis non professionnel, je suis souvent déçue ailleurs en tant que cliente. Il me manque souvent un goût ou une saveur afin que j’apprécie certains plats autant qu’au Tai Po… mais peut-être n’est-ce qu’une question d’habitude qui n’a pas passé 8 ans plus tard…
Merci pour votre éclairage intéressant! C’est très bon de savoir que le chef peut adapter les plats. Pour ma part, je suis toujours heureux de retrouver des saveurs authentiques. Après tout, pourquoi manger chinois si c’est pour édulcorer les recettes?