Repas d’exception à l’Auberge de l’Abbaye de Montheron

Quelle est cette ancienne bâtisse qui s’avance avec majesté dans le froid de la nuit? Est-ce la demeure de quelque sinistre vampire? Le refuge d’un savant fou qui expérimente sur des cadavres? Et bien, c’est peut-être un peu des deux.

Que je vous explique. À l’Auberge de l’Abbaye de Montheron, on expérimente sur de la chair fraîche, on fait dans le saignant et le médiéval mais aussi dans la finesse et la recherche de perfection. Pour être précis, on y concocte une cuisine gastronomique empreinte de terroir et inspirée par l’histoire d’un lieu dont l’origine religieuse remonte au XIIe siècle.

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Le temps faisant son oeuvre, cette ancienne abbaye cistercienne est aujourd’hui un restaurant. C’est en 2011 que Romano Hasenauer et Nathalie Rais ont réouvert les portes de ce site impressionnant. Pour situer, ce sont les mêmes personnes qu’on trouve aux commandes du presque aussi sacré Chalet des Enfants. On fait pire, comme CV.

La sélection des vins du Clos des Abbayes

J’ai pu découvrir la cuisine de l’Auberge à l’occasion d’une soirée spéciale dédiée aux vins du Clos des Abbayes. Ces parcelles du Dézaley ont une relation spéciale avec l’Abbaye puisqu’elles étaient sa propriété à l’époque où les religieux y étaient actifs. Aujourd’hui, c’est la Commune de Lausanne qui est en possession de ce trésor. Il était donc naturel de mettre en place une soirée dédiée aux relations historiques qui lient les deux lieux. Un plat, un vin du Clos.

Rafael Rodriguez en pleine action

Pour votre serviteur, c’est l’occasion de découvrir la cuisine exceptionnelle de Rafael Rodriguez. Ce cuisinier, à la modestie exemplaire, passé par plusieurs maisons prestigieuses, s’est emparé du terroir de sa nouvelle terre d’accueil avec une facilité déconcertante.

Amuses bouches à l'Auberge de l'Abbaye de Montheron

Il amuse votre bouche avec une féra traitée comme un sashimi ou un bonbon de foie de volaille (le foie gras eût été trop facile) dont la modernité n’a d’égal que le respect des produits de la région. Faut-il préciser que cette adresse met un point d’honneur à se fournir proche à la ronde?

Escargots du Mont d'Or au sapin et herbes

Les escargots inévitablement du Mont d’Or sont mariés à des saveurs de sapin et d’herbes d’une finesse magnifique. J’attendais une adresse à la cuisine classique d’auberge et voilà qu’on me sert de la gastronomie de haut vol. Je pèse mes mots. Le nombre de techniques et de textures déployées sur les plats est impressionnant. Au moins autant que la justesse des accords…

Coquelet aux airelles et grué de Cacao

Un fait particulièrement évident avec le Coquelet du pays qui, sous des airs minimalistes de ne pas y toucher, bouleverse. Le grué de cacao, paroxysme de caramélisation et de croquant, est une alliance étonnamment complémentaire avec la volaille. Son amertume répond aussi en quelque sorte à l’acidité des airelles et procure un plaisir intense au dégustateur concentré.

On revient à quelque chose de plus essentiel avec la joue de bœuf d’Hérens confite, napée d’une sauce épaisse au Syrah et teintée de réglisse. On apprécie le choix du morceau et la cuisson qui rendent hommage à une cuisine de campagne ancestrale.

Joue de Boeuf d'Hérens confite, Syrah, Réglisse

Je verserais presque une larme à l’arrivée de ce vieux gruyère accompagné d’un chasselas de 2005 dont les arômes de noix et de fruits secs rappellent le vin jaune du Jura. On en vient à se demander si la légère mousse aux amandes est nécessaire. Il ne manque que l’Ave Maria de Schubert pour que le tableau soit complet. Pour ceux qui n’ont jamais eu l’occasion de tomber dans les bras musculeux mais néanmoins enjôleurs d’un chasselas de grand âge, l’expérience est à tenter au plus vite. Vous y trouverez là, un aspect trop méconnu de notre patrimoine œnologique.

Vieux Gruyère

On finit avec une grande baffe en pleine gueule au dessert: crème d’abricots secs, fruits confits, vanille, verjus, voilà.  Au delà de l’originalité évidente du plat, on reste abasourdi par cette crème savoureuse qui épouse si bien les fruits confits. On s’exclame devant la tuile de lait croustillante, on s’émerveille en goûtant le verjus en shampoing, on sent croquer des céréales grillées. Loin des lourdeurs de pâtissier, un dessert de cuisinier, en 3D et tout, et une immense clôture pour ce repas exceptionnel.

Crème d'abricots secs, fruits confits, vanille, verjus

Cette cuisine réussit le tour de force de surprendre tout en s’appuyant sur des valeurs classiques de nos régions ainsi que sur des harmonies quasi parfaites. Un des menus les plus mémorables de ces derniers mois.

L’Auberge de l’Abbaye de Montheron organise régulièrement des événements thématiques que je vous invite à suivre de près. Outre la présente soirée, un repas a récemment retracé 12’000 ans d’histoire gastronomique. L’occasion de passer du paléolithique à la cuisine contemporaine en un seul menu concocté en collaboration avec Yvan Schneider, présient de Slow Food Vaud.

Le reste du temps, n’hésitez pas à attaquer de plein front la carte courante qui met à l’honneur la saison.  Je ne l’ai, à mon grand regret, pas testée et ne suis donc pas en mesure d’affirmer que sa qualité est aussi élevée que ce à quoi nous avons eu droit pour cette soirée spéciale. Bon, le chef est le même, hein. On va dire que vous ne risquez pas grand chose.

Pour finir, le service est ultra professionnel sans être envahissant, mais surtout sympathique et amical. Cadre de charme et tranquillité. Belle terrasse en été.

Malgré sa situation excentrée, l’Auberge de l’Abbaye de Montheron s’affiche comme une adresse gastronomique de choix qui mérite sa place dans les guides les plus exigeants.

 

Auberge de l’Abbaye de Montheron
Route de l’Abbaye 2
1053 Lausanne
Montheron
Tél. 021.731.73.73
http://www.montheron.ch/

4 Responses to “Repas d’exception à l’Auberge de l’Abbaye de Montheron”

  1. Noisequik avril 18, 2015 at 17:51 #

    Merci pour cette review!

    J’ai toujours regretté les anciens tenanciers qui cadraient parfaitement avec les lieux et qui proposaient des plats plus simples (charbonnades dans un gros chaudron) mais, étant fan du Chalet des Enfants, je me devrai d’aller y faire un tour quand même…

    • Lukas Menal avril 19, 2015 at 11:24 #

      Je n’ai pas connu l’ancien établissement. Ça avait l’air cool. Justement j’ai été surpris ce soir-là, car je m’attendais à quelque chose de plus campagnard alors que j’ai eu droit à du gastronomique. mais encore une fois, je me demande si la carte standard est toujours de ce niveau. Je veux y retourner vite.

  2. Manuel avril 23, 2015 at 21:05 #

    Bel hommage à cet établissement qui m’attire depuis un moment!

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