Depuis quelque temps, les restaurants qui proposent de la cuisine chinoise non édulcorée semblent devenir la règle. On peut aujourd’hui manger, en Suisse, nombre de recettes de la même qualité qu’une adresse de Shanghai ou Beijing. Attribuez ça au tourisme et à l’immigration en provenance de Chine ou à la plus grande curiosité des clients locaux. Quoiqu’il en soit, c’est une bénédiction de voir les chefs mettre en place des cartes « secrètes » ou « spécialités » ainsi que des plats disponibles sur demande.

Dernière adresse en date, le Délicieux à Pully propose une incroyable sélection de plats sur commande tous plus intéressants les uns que les autres (prévoir 24 heure à l’avance). Guérilla Gourmande ne saurait trop vous recommander de les contacter au plus vite pour découvrir des préparations vraiment différentes de vos nouilles habituelles.

Originaire de Hong-Kong, le chef Lau Chun Keung démontre sa large expérience à travers des plats rigoureux aux assaisonnement justes et profilés. Sa femme Yang Liu assure un service aimable, professionnel et décontracté. Tous deux seront heureux de venir à votre rencontre et de parler de leur cuisine.

Mais vous n’allez quand même vous contenter de ma parole. Alors voici 10 arguments qui devraient vous convaincre de saisir le téléphone.

Griffes de phénix

Aussi appelé simplement « pattes de poulet » – ce qui est plus rigoureux mais moins poétique – ce plat consommé dans toute l’Asie (moins souvent en Europe) est surtout connu comme un incontournable des dim-sums de Hong-Kong. Un amuse-bouche idéal pour les amateurs de peau et de tendons, ceux qui aiment sucer et ronger les os. Au Délicieux, les pattes sont bien charnues et la sauce est très gourmande grâce à son mélange généreux de soja, de sucre, d’ail et de piment. La meilleure interprétation dont j’ai pu profiter jusqu’à aujourd’hui.

Tofu et oeufs de cent ans

Le fameux et redouté œuf fermenté est disponible au Délicieux au sein d’une préparation inattendue et fraîche. Les oeufs sont émincés sur des tranches de tofu soyeux et servis en quartier au bord du plat. L’odeur de souffre et d’ammoniac ne manquera pas de vous faire frémir. Une sauce détendue agrémente le tout. J’avoue ne pas être un grand amateur de cette spécialité pour le moins exotique mais, heureusement, le goût n’est pas aussi terrible que l’odeur. C’est en tout cas une occasion de s’y essayer dans de bonnes conditions.

Langue de canard sel et poivre

Je ne suis pas certain que celles-ci viennent du lac Léman. Elles n’en sont pas moins à mon goût puisque préparées façon « sel et poivre », une méthode que j’apprécie particulièrement. Une fine couche de pâte à frire, une bonne dose de sel et du piment font de ces langues une gourmandise peu commune. La texture est à la fois grasse et élastique. Un morceau de cartilage plat et fin comme du papier court sur toute la longueur du muscle. Il faut donc mordre jusqu’à la résistance puis tirer pour récupérer la viande et laisser le cartilage. Mordre et tirer, mordre et tirer, jusqu’à plus faim!

Tripes sautées à la sauce piquante

Vous ne pouvez pas dire que vous n’aimez pas les tripes sans avoir testé celles du Délicieux. Le secret, c’est la sauce particulièrement savoureuse et suffisamment épaisse pour enrober amoureusement les morceaux d’intestins qui fondent dans la bouche. Accompagnés de légumes juste croquants, c’est la preuve qu’en ce qui concerne les abats, tout est dans la préparation.

Salade de méduse

Ce qui surprend le plus dans cette salade, c’est la texture pas si dégoûtante. Ce qui plaît, c’est la grande fraîcheur et le goût léger, encore souligné par le concombre. Et quand on sait que l’animal prolifère un peu trop à cause de la disparition de ses prédateurs, on a aucune raison de se priver.

Salade d’algue à la peau de tofu

Le tofu a de la peau, qui s’en doutait? Bientôt, on nous dira qu’il a des dents et des pattes. En tout cas, on peut faire avec la peau des sortes de nouilles qu’on mélange avec des laminaires, quelques herbes et des cacahuètes pour la gourmandise. Une salade délicate, nourrissante et esthétique qui se suffit à elle-même mais mérite aussi largement sa place au milieu d’une gamme de mets aux saveurs plus intenses.

Pâte de riz au chou chinois piquant

On croirait ces gâteaux de riz sortis tout droit de la cuisine d’un coréen. Du chou épicé qui rappelle le kimchi et qui accompagne des petits palets glutineux semblables au tteok (plat disponible au restaurant coréen le Gourmand). Un accompagnement très sympathique et que vous êtes certain de ne pas retrouver partout. À essayer, en particulier si vous êtes un amateur de matières un peu élastiques.

Poulet fermier à peau jaune vapeur hong-kongais

Probablement le plat le plus gourmet de la sélection, ce poulet de belle qualité est cuit en toute délicatesse et servi froid. Sa chair tendre et humide a conservé toute sa saveur. Ceux qui savent déjà que les restes de poulet du frigo sont parfois meilleurs que celui qui sort du four apprécieront le génie chinois d’en faire un plat abouti. Je connaissais cette façon de préparer la volaille dans une version piquante appelée « Poulet qui fait saliver » et que vous pouvez découvrir au Ningbo.

Au Délicieux, c’est une recette différente mais tout aussi classique dans l’Empire du Milieu. On vous sert le poulet nature accompagné d’une très simple sauce crue à l’huile, au gingembre et aux oignons nouveaux qui donne du piquant, de acidité, du gras et de la fraîcheur. Je vous laisse imaginer comment tout ça se marie avec la viande. En outre, le plat est plus onéreux (58 CHF pour un poulet de 1.2 kg) pour permettre un volatile de meilleure qualité. Il ne vous reste plus qu’à prendre un morceau bien choisi, à le couvrir de sauce puis à savourer la quintessence du poulet. En plus, c’est visuellement superbe.

Omelette vapeur au porc haché

Moins noble et moins appétissante au premier abord, cette recette aux oeufs n’en est pas moins un plat à découvrir absolument. Un exemple criant de la philosophie différente qui anime la cuisine chinoise lorsqu’il s’agit d’utiliser de la viande sans pour autant en faire le star de l’assiette. Le porc est utilisé pour son goût avant tout et vient épouser la texture ultra fondante des oeufs. En somme, une sorte de flan au cochon. Faut-il ajouter quelque chose?

Moules marinières des côtes chinoises

J’ai inventé le nom de ce plat puisqu’il ne figure même pas sur la carte des mets sur commande. Je crois que j’ai fait du bon boulot car je n’ai presque rien à ajouter. Prenez des moules à la marinière (bien grasses et justes fondantes) et remplacez les aromates méditerranéennes par celles de Chine. Vous obtenez le meilleur des deux mondes, tout simplement.

Il y a encore de nombreux plats à explorer au Délicieux. Mais je pense en avoir extrait, dans ces quelques lignes et images, la substantifique moelle. Un restaurant de choix pour tout amateur de cuisine chinoise.

Au Délicieux
Avenue du Prieuré 21
1009 Pully
Tél: 021.525.61.81
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