La Cantine du 56 et les Soirées Cochonnes
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Ce sont les deux restaurants pop-up lausannois que je voulais découvrir absolument et voilà qu’ils organisent une pulled pork battle. Pour moi, c’est une occasion en or de faire d’une pierre deux coups. La Cantine du 56 et les Soirées Cochonnes ont profité du Restaurant Day pour investir la buvette de la Galicienne. Durant un jour, ils se sont mesurés lors d’une incroyable joute de cochon effiloché.
Les pop-ups, ce sont ces fous de cuisine qui investissent des lieux l’espace de quelques heures ou de quelques jours pour proposer leur carte. Soirées Cochonnes et la Cantine font partie de ceux qui sont sortis du lot dans la région lausannoise. Ils organisent leurs events très régulièrement et sont particulièrement actifs sur les réseaux sociaux, une des clés pour réussir. Alors lorsqu’ils coopèrent pour proposer un événement unique, je saisis l’occasion.
À ma gauche, le sandwich à la sauce barbecue authentique de Yann Kerloc’h (Soirées Cochonnes). À ma droite, le taco de riz fusion de Yan Luong (La Cantine). Point commun entre les recettes des deux Yan(n): du pulled pork. Cette préparation de porc en cuisson lente est à la mode en plus d’être déclinable à l’infini. C’est donc tout naturellement qu’ils ont décidé d’organiser un duel sur ce thème. Je précise que c’est en toute amitié car le but est plus de mettre en scène une street food versatile que de départager deux frères ennemis. D’ailleurs, à ce jour, je ne sais pas qui a remporté le vote du public et on s’en fout pas bien mal.
Pour Guérilla Gourmande, c’est comme chez Jacques Martin, tout le monde a gagné. On ne peut être qu’impressionné par le talent, la minutie et l’exécution quasi parfaite de ces plats complètement cools. En effet, ils demandent une bonne dose de technique que ces amateurs très éclairés (ou ces semi-pro si vous préférez) n’ont eu aucune peine à déployer. Si aucun des deux concurrents n’est véritablement professionnel de la restauration, leur parcours et la manière dont ils passent leur temps libre en ont fait des cuisiniers très solides portés par une passion à toute épreuve. Du coup, les mecs sortent du pulled pork à faire pâlir n’importe quelle restaurant établi.
Prenez le sandwich de Soirées Cochonnes. La recette a été rodée lors de plusieurs events afin d’arriver aujourd’hui à une viande à la fois parfaitement grillée, ultra fondante et méga juteuse. J’arrive à cours de superlatifs mais on ne peut que rester coi devant le résultat. Un processus qui passe par un fumage dans les règles de l’art puis un finissage sous vide avec ajout de jus supplémentaire. Les techniques sont empruntées aux meilleurs du domaine comme les texans de Franklin Barbecue. Même le cornichon est mariné artisanalement et issu d’une recette juive qui réplique le pickle que vous pourriez trouver dans un deli américain. Autant dire qu’on est sur du food geek de calibre 12, ma petite dame. Bluffant. Je salue également la sauce barbecue nickel avec une bonne dose d’acidité qui relève la viande juste comme il faut.
Autre Yan(n), autre univers. La Cantine du 56 est un spécialiste de la cuisine asiatique. C’est donc en toute logique qu’ils sont allés chercher leur recette du côté d’Okinawa. Je découvre avec bonheur cette préparation composée de viande aux saveurs tex-mex déposée sur un lit de riz puis agrémentée de crudité et de salsa. Dans cette version, la bidoche n’est pas fumée mais cuite 6 heures en cocotte et parfumée aux agrumes frais selon la recette mexicaine traditionnelle de la cochinita pibil. Ça fusionne, ça fusionne et c’est un excellent contraste avec l’exécution puriste de Soirées Cochonnes. On ajoute un pico de gallo, des oignons marinés, de la coriandre, de la crème acidulée, un quartier de citron plus une sauce magique. La Cantine semble partager la même sensibilité que moi et a réalisé une recette que j’aurais rêvé d’inventer. En fait, comment ne pas être jaloux de ces types qui vivent leur passion à fond tout en alimentant la vie de la communauté lausannoise?
L’ambiance sur le site de la Galicienne participe aussi au plaisir de cette journée ensoleillée. Le lieu, déjà temporaire, héberge un événement d’un jour encore plus éphémère. L’expérience est donc radicalement différente de ce que vous pourriez vivre dans un restaurant classique. Quelque chose de plus convivial se met en place. L’aspect informel, participatif et désintéressé donne lieu à une manière de manger qui renoue avec la tradition des fêtes de villages et des événements communautaires. Un phénomène en plein développement qui est malheureusement trop souvent ralenti par les autorités (tout comme pour les food trucks) et reste ultra encadré. Si vous voulez mon avis, il est plus que temps de lâcher la bride.
Dans tous les cas, je vous encourage à découvrir aussi bien la Cantine du 56 que les Soirées Cochonnes dès que vous en aurez l’occasion. Non seulement vous profiterez de la bouffe mythique mais vous rencontrerez, en plus, des gens chaleureux à la créativité débridée dont le principal souci est de vous régaler. Que demander de plus? Une interview pour mieux les connaître peut-être? Ça se passe juste en dessous.
Interview miroir
Salut, tu passes tes dimanche à faire des batailles de cochon effiloché. Qu’est-ce qui ne va pas chez toi?
[La Cantine du 56]: C’est une affaire de passion et d’entente. De passion pour la cuisine évidemment, mais aussi pour les cultures qui la construisent et la définissent et pour le partage. J’ai longtemps été actif dans l’événementiel musical (et le suis toujours un peu par ailleurs). Le passage aux événements « food » a été naturel. Puis viens l’entente: sans mon comparse Gino, la Cantine du 56 n’existe pas sur des événements de cette ampleur.
[Soirées Cochonnes]: Ce qui ne va pas chez nous, c’est la passion sans limite pour les cochonneries! En effet, pour nos cochonneries, nous cherchons sans cesse la qualité à partir de produits peu nobles et nous les sublimons grâce aux techniques culinaires diverses et variées que nous enseignent nos pairs. De plus, grâce aux compétences complémentaires des six membres du team, nous sommes capables de partager le fruit de notre travail au plus grand nombre. Une amitié forte nous lie, ce qui nous permet d’être très sérieux sans jamais nous prendre au sérieux.
Pourquoi ton pulled pork est meilleur que celui de ton adversaire?
[La Cantine du 56]: Je ne crois pas que le pulled pork de La Cantine soit meilleur ou moins bon que celui de Soirées Cochonnes. J’ai adoré le principe de la battle à deux niveaux: celui de la création et celui de la consommation.
Au niveau de la création, l’idée était de partir sur quelque chose de très différent de Soirées Cochonnes (j’avais déjà goûté leur pulled pork au Café du Pont). Avec Gino, on a développé une recette dans laquelle le porc n’est pas l’élément central mais une des couches gustatives. On voulait quelque chose de lumineux, qui exprime à la fois les cuisines d’Asie et d’Amérique du Sud, d’où l’association d’éléments crus et cuits dans la recette ainsi que la présence marquée d’agrumes dans la marinade du porc. Au niveau de la consommation, ce qui a été super dans la battle c’est l’implication du public: j’ai l’impression que cela a aiguisé les envies et les avis, que le dialogue s’est ouvert. Et j’en suis ravi. 🙂
[Soirées Cochonnes]: C’est à toi de dire s’il est meilleur! Par contre je peux te dire pourquoi il est bon: notre viande passe quatre heures à absorber de la fumée de hêtre, à basse température dans un authentique smoker. Après, nous la mettons sous-vide pour qu’elle finisse gentiment sa cuisson au four pendant une douzaine d’heures de plus à 85°C. Notre objectif est d’obtenir une viande fondante, juteuse à souhait et savoureuse. Le goût de « fumée » doit dominer sans être écœurant. Tous les secrets du fumage nous ont été transmis par le maître Aaron Franklin via son ouvrage « A meat smoking Manifesto ».
Quant à la sauce barbecue, qui réduit pendant des heures à feu doux, nous nous référons à la bible de la cuisine contemporaine « Modernist Cuisine ». Le côté vinaigré et poivré de la tradition culinaire de Caroline du Nord nous séduit particulièrement. La complémentarité gustative est harmonieuse, selon nos goûts. Pour les pickles, nous nous référons à la plus pure tradition culinaire juive pour les préparer. C’est une marinade composée d’aromates et d’épices multiples qui nourrit les cornichons provenant du maraîcher Cuendet. Afin d’apporter une douceur et un moelleux agréable, nous achetons nos petits pains « au lait » sucré chez Nessi à la place de la Sallaz, à Lausanne. Bref: c’est un pur condensé d’amour!
La Cantine/Les Soirées Cochonnes, c’est quoi pour toi?
[La Cantine du 56]: La Cantine est et restera un projet accessoire, un hobby et une passion. Sa forme évoluera peut-être. Pour le moment elle fonctionne au format « pop-up » dans des lieux publics (bars, cafés, restaurants, événements) et propose un item « street-food » par sortie, traditionnel ou original. Je souligne aussi que depuis le début nous considérons l’offre végétarienne et vegan comme égale à l’offre carnivore ou omnivore. Celle-ci se développera sûrement. J’aimerais proposer des soirées 100% tofu. À suivre sur www.facebook.com/lacantinedu56.
[Soirées Cochonnes]: Les Soirées Cochonnes c’est avant toute chose la collaboration entre deux associations qui sont actives dans l’événementiel : BANG! et Feel the Food. BANG! organise des événements originaux où la mixologie a une place de choix. Quant à Feel the Food, elle organise des performances culinaires en Suisse romande depuis de nombreuses années.
Les Soirées Cochonnes sont pour nous un moyen de faire découvrir le barbecue américain, où la viande est cuite pendant de longues périodes à basse température, à la fumée puis sous-vide. Nous servons du pulled pork, mais allons bientôt proposer d’autres pièces. Nous allons acquérir un deuxième smoker.
Pour nous c’est une expérience de cuisine et de vie avec un fantastique groupe d’amis. C’est l’occasion de faire découvrir des goûts injustement méconnus en Suisse, de faire des expériences aux antipodes de la cuisine de précision, et de redécouvrir des techniques ancestrales aux résultats incomparables.
Et la suite?
[La Cantine du 56]: À terme, j’aimerais bien accueillir des gens chez moi, proposer plus de plats à moins de personnes de temps à autre (quand j’étais à New York, l’été passé et ce printemps, j’ai pas mal utilisé la plateforme eatwith.com, le airbnb de la cuisine). À suivre aussi. 🙂
[Soirées Cochonnes]: Dans les prochains mois nous allons continuer d’organiser des événements autour du barbecue américain, en servant pulled pork, brisket ou encore ribs. Le but est d’accélérer la cadence tout en augmentant la variété des préparations proposées. Nous travaillons à nous professionnaliser à chacun de nos événements, à servir des préparations toujours mieux maîtrisées et d’une manière plus efficace. Pour le moment nous avançons soirée par soirée, mais avec une intention claire de pérenniser le concept.
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Merci Lukas, pour ce super article, toujours aussi bien écrit. Nous sommes tous très fiers du résultat et que tu aies été sensible à notre travail. Minh, Raph, Shai, Sophia, Gavrilo et moi te sommes vraiment très reconnaissant et nous t’invitons autour du smoker lors du prochain fumage pour te transmettre notre savoir-faire et partager une bonne bière. A bientôt