Canard pékinois chez Da Dong à Beijing

Enfin Beijing. Siège d’un empire qui attire, fascine, inquiète et évoque mille images antagonistes. Les traces d’une longue période de pénurie affleurent encore parfois dans la capitale. Mais les temps ont changé. Le pays s’est réformé. Avec lui, les perspectives pour les citoyens, et les cuisiniers, se sont élargies. Il est devenu possible de prendre des initiatives et d’innover. Dans le même mouvement, les bénéfices de la libre entreprise ont fait revenir bons produits et variété sur les tables. Un horizon de perspectives sans fin pour les chefs.

Pour moi, c’est poser le pied en plein milieu d’une culture qui a beaucoup fait pour m’éveiller à la gastronomie. Un correspondant de longue date dont on ne peut qu’esquisser un contour forcément brouillé par la distance. Je n’ai pu jusqu’alors saisir sa réalité qu’à travers ses immigrés et sa cuisine forcément édulcorée en terre étrangère. Je n’en renie pas pour autant mon amitié sincère et une fidélité à toute épreuve. La cuisine de ce pays est comme un trésor enfoui dont je n’ai pour l’instant qu’une seule pièce d’or.

Mais cette année, je suis allé déterrer le coffre.

Chef-Da-Dong

Lorsque Dong Zhenxiang fut prêt à entrer sur le marché du travail, en 1978, le gouvernement lui proposa 3 options: cuisinier, coiffeur ou photographe. Il demanda conseil à son père qui lui répondit: « Deviens cuistot, tu ne mourras jamais de faim! ». Non seulement celui qu’on appelle désormais le « Chef Da Dong » devint cuisinier mais il fonda un véritable empire gastronomique.

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Il est connu pour son canard pékinois, nous y reviendrons. Mais c’est avant tout un restaurateur et un homme d’affaires hors pair. Considéré comme l’un des plus importants chefs de Chine, il est aux premières lignes de la modernisation de la cuisine chinoise. Et vu le patrimoine culinaire gigantesque quasi gelé durant la période maoïste, les perspectives sont infinies.

Dong Zhenxiang se nourrit de toutes les écoles de la cuisine de son pays mais veut aussi ouvrir des brèches. Il voyage en Occident pour peaufiner sa technique et ajouter des ingrédients à sa cuisine. Un travail déjà largement abouti lorsqu’on voit la bible qui fait office de menu dans ses restaurants. Un tome regroupant plus de 200 plats préparés sans concessions grâce à des cuisines aux dimensions pharaoniques et des équipes renforcées.

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À Beijing, on recommande le restaurant Da Dong pour l’incontournable canard pékinois. Le palmipède est rôti au feu de bois dans un four en pierre dont la forme est exclusive aux restaurants de la chaîne. Le temps de cuisson est plus long qu’ailleurs: 60 minutes afin de rendre la peau plus légère. C’est le Super Lean Roast Duck.

Une fois l’animal parfaitement rôti, il est présenté à table pour être découpé. Ici, encore, la technique est importante. Le cuisinier incise peau et chair avec une habileté époustouflante. La méthode permet de ne presque rien perdre du volatile tout en gardant des morceaux équilibrés. Un moment spectaculaire qui justifie à lui seul une addition plus élevée.

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Pendant que les autorités sanitaires occidentales se fourvoyaient en incitant les gourmands à retirer la peau des volailles parce trop grasse (ou trop bonne?), Da Dong mettait au point une technique dont le but est justement de sublimer cette enveloppe si nourrissante. Surface brillante et couleur orangée, on distingue parfaitement la morphologie d’une enveloppe encore si proche de son état vivant.

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Aucune trace de graisse blanche. Celle-ci semble avoir fondu ou fusionné avec l’épiderme lui-même. Une prouesse qui lui donne un aspect quasi minéral. À côté de ce chef d’oeuvre gastronomique, la chair, bien que juteuse, paraît bien pâle!

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Une fois le rituel de la découpe terminé, chacun pourra confectionner lui même sa bouchée à l’aide de petites crêpes très fines ou de petits pains. Il faudra trouver la bon équilibre entre peau, chair, assaisonnements et crudités. Une véritable aventure faite d’essais et de découvertes où chacun devra établir la combinaison qui lui convient le mieux.

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Il faudrait pouvoir revenir dix ou vingt fois pour saisir vraiment la portée de la cuisine de Da Dong, tant l’adresse est excellente et la carte insondable.

C’est, par exemple, un plaisir de voir une assiette de crevettes pimentées aux cacahuètes qui concurrence sans problème les grandes tables françaises aussi bien en goût qu’en esthétique. Avoir modernisé la présentation de plats typiquement chinois est un autre accomplissement de Da Dong. Ici, on mange beaucoup avec les yeux.

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Les ingrédients sont frais et de la meilleure qualité. Chaque saveur est bien profilée. Malgré ça, la flaveur puissante du piment séché et grillé ressort de façon plus frappante que le reste. Un délicieux arôme fumé qui prouve les vertus gustatives de ce fruit sous-estimé et illustre le miracle du wok.

Il faut ajouter que les crevettes sont parfaites en texture comme en cuisson et que le tout est enrobé d’une fine sauce aigre-piquante à l’équilibre parfait qui m’a fait lécher l’assiette. Un plat recommandé par le staff que je n’aurais jamais commandé par moi-même. Merci à eux, puisqu’il m’a permis de mesurer à quel point une même recette peut être galvaudée ou, comme ici, élevée à des sommets.

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Da Dong est évidemment un restaurant haut de gamme à Beijing. La facture est élevée selon les standards pékinois. Pour autant l’adresse reste très abordable pour nos portes-monnaies habitués à sortir une centaine de francs pour un bon repas.

Ne vous attendez pas à un décor traditionnel. Hormis, les fours en pierre qui rappellent la cuisine à l’ancienne, la décoration est moderne et clinquante. Une atmosphère aux faux airs de lounge qui, teintée de lumières bleues, évoque plus le QG d’un quelconque boss de la mafia russe qu’une table fine. Service correct mais sans plus.

Que ça ne vous empêche pas d’y courir. Da Dong est à l’opposé du piège à touriste. C’est une adresse de haute volée qui s’attache à la technique et à la qualité des produits avant tout. On y propose des classiques modernisés qui ne trahissent pourtant pas une seconde leurs origines.

 

Da Dong Roast Duck Restaurant
Wángfǔ jǐng
301 Wangfujing Ave (At 6/F of Jingxinlv Bldg.)
Pékin
Chine
Site internet

One Response to “Canard pékinois chez Da Dong à Beijing”

  1. Pierrick février 16, 2016 at 22:42 #

    Bon voyage!

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